Polyommatus icarus (m) 1 L Azuré de la bugrane

Polyommatus icarus (m) 1 L Azuré de la bugrane

Sauvez les papillons !

Rencontre avec Nigel Spring, ornithologue en Angleterre – Fondateur de EuCAN.

F –  Bonjour Nigel. Vous êtes à l’origine de la fondation EuCAN en Angleterre. Pouvez-vous nous expliquer le but de votre organisation et ce qui vous a guidé vers ce projet ?

N. Nous avons créé EuCAN (European Conservation Action Network) dans le but d’organiser des travaux d’analyse et de recherche sur la biodiversité, conjointement avec 9 autres organisations partenaires de l’union européenne. Ces travaux ont été soutenus par le programme Léonard de Vinci, destiné à faciliter les échanges de bonnes pratiques entre organisations européennes. Ainsi entre 2007 et 2011 nous avons emmené plus de 300 personnes à travers 23 destinations magnifiques. Nous conduisons ces projets de volontariat et vacances natures pour observer la faune sauvage et sensibiliser le public sur la nécessité de protéger certaines espèces, en particulier les papillons.

A titre d’exemple l’été dernier nous avons emmené un groupe de naturalistes dans le parc régional de la Brenne, une remarquable réserve naturelle située non loin d’Orléans. Nous y sommes d’ailleurs retournés en février 2015 avec des volontaires dans le cadre d’un chantier écologique en zone humide. Cet habitat est particulièrement propice pour observer une multitude d’espèces de papillons.

Ayant un background d’enseignant notamment sur les problématiques environnementales, tout ceci s’inscrit dans une certaine logique personnelle.

F –  Au sein de votre association EuCAN, entre autres sujets, vous êtes experts sur la protection des papillons. En France les gens se sentent de plus en plus concernés par la disparition des abeilles. Y-a-t-il un sujet à propos des papillons ?

N. Les papillons ont une vie compliquée et leur écosystème est bien vulnérable face aux changements environnementaux. Un peu comme le canari dans la mine de charbon*, ils nous informent des risques importants qui pèsent aujourd’hui sur les écosystèmes naturels et par conséquent sur notre propre espèce.

F –  Auriez-vous quelques conseils pour nos lecteurs qui souhaitent préserver les papillons dans leur jardin ?

N. Les papillons adultes ont besoin du nectar des fleurs pour se nourrir et leurs chenilles se nourrissent de feuilles. Par conséquent la manière la plus facile de les attirer dans le jardin est de mettre à leur disposition un maximum de fleurs à nectar – citons par exemple les variétes Buddleia, Red Valerian, Oreganum, Sedum spectabile, Michaelmas daisies ou encore la bruyère en hiver pour les espèces qui hibernent. Vous trouverez une liste plus exhaustive sur le site anglais Butterfly Conservation in the UK : http://butterfly-conservation.org/292/gardening.html.

Pour avoir le plus large panel d’espèces possible dans votre jardin, veillez à favoriser la diversité des végétaux et si possible réservez une partie du jardin à l’état naturel pour favoriser la pousse des fleurs sauvages. Privilégiez un emplacement bien ensoleillé avec un sol pauvre.

F – Y-a-t-il des fleurs que les papillons aiment en particulier ?

N. Celles-ci :

http://butterfly-conservation.org/files/100-best-butterfly-nectar-plants.pdf

http://butterfly-conservation.org/files/caterpillar-food-plants.pdf

http://www.mothscount.org/text/64/nectar_plants.html

http://www.mothscount.org/text/65/caterpillar_foodplants.html

F – Combien d’espèces peut-on observer dans un jardin ? Avez-vous les mêmes espèces en Angleterre ?

N. En Angleterre nous avons « seulement » une soixantaine d’espèces contre près de 200 répertoriées en France ! Quant aux papillons de nuit, nous en avons environ 2500 variétés, dont certaines très rares, contre 10 000 en Europe continentale. La France est un grand territoire avec une importante variété d’habitats et de climats, alternant des zones à climats tempérés et méditerranéens, parsemées de montagnes. Cette diversité explique la richesse des espèces, parmi lesquelles on observe des spécimens très rares qui ont disparu en Angleterre.

Attention toutefois, la majorité de ces papillons ne visite pas les jardins. En effet beaucoup évoluent dans des biotopes très spécifiques et à moins d’avoir une végétation sauvage d’une extraordinaire variété chez soi, ils ne feront pas de halte chez vous.

Vous pouvez quand même observer de superbes spécimens en encourageant la biodiversité et en sauvegardant l’aspect sauvage de tout ou partie de votre jardin et bien entendu en proscrivant les insecticides !

Lors d’une belle nuit d’été, vous pourrez apercevoir plus d’une centaine d’espèces de papillons de nuit…

Le Paon du jour, l'un des plus étonnant papillons de nos jardins

Le Paon du jour, l’un des plus étonnant papillons de nos jardins

F –  En France l’utilisation des pesticides a un fort impact sur la vie sauvage et les insectes en particulier. Avez-vous le même problème en Angleterre ? Pensez-vous que les villes, préservées des pesticides, peuvent offrir un environnement favorable pour les papillons ?

N. En Angleterre nous sommes confrontés au même problème. Je pense notamment à l’impact sur l’environnement d’une agriculture en profonde mutation. L’arrivée de l’agriculture intensive engendre un lot de conséquences sur la biodiversité dont nous ne prenons pas encore toute la mesure. Qu’il s’agisse des plantations destinées à nous nourrir ou celles destinées à nourrir le bétail, de même que les forêts plantées d’espèces nouvelles à croissance rapide pour la production du bois de construction… Tout cela a un impact absolument désastreux sur la vie sauvage.

En ville, il a été établi que les parcs et jardins peuvent constituer des refuges, tant que l’usage des produits chimiques y est proscrit ! Car dès que vous utilisez des herbicides ou autres pesticides pour l’entretien d’un espace vert, c’est toute la chaîne alimentaire du jardin qui trinque : du hérisson en passant par les fleurs sauvages et les abeilles…

F –  Vous dirigez un programme de sensibilisation avec d’autres pays européens et notamment la France. Pouvez-vous nous en dire plus ?

N. Rien ne remplace les échanges sur le terrain, ils sont tellement riches tant d’un point de vue humain que pédagogique. C’est un autre aspect excitant de l’Europe, qui nous aide à financer ces projets et facilite ainsi les interactions entre voisins. Toutes les initiatives qui visent à accroître les échanges, notamment concernant la protection de la nature, doivent être encouragées. Nous invitons vos lecteurs à nous faire part de leurs idées ou à se joindre à une prochaine expédition ! Pour en savoir plus visitez notre site web est www.eucan.org.uk.

Propos recueillis et traduits par Ghislain Journé. Nigel Spring a supervisé la rubrique de Farmili consacrée aux papillons. Pour la découvrir cliquez « ici ».

(*) Au XIXe siècle, alors que l’exploitation des mines de charbon battait son plein, il était fréquent de retrouver, au fond des mines, un canari. Très sensible aux émanations de gaz toxiques, impossibles à détecter pour les hommes ne bénéficiant pas des équipements modernes, le petit oiseau jaune servait d’alerte.

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